Lorsque vient le soir de la vie,
Le printemps attriste le cœur :
De sa corbeille épanouie
Il s'exhale un parfum moqueur.
De toutes ces fleurs qu'il étale,
Dont l'amour ouvre le pétale,
Dont les prés éblouissent l'œil,
Hélas ! il suffit que l'on cueille
De quoi parfumer d'une feuille
L'oreiller du lit d'un cercueil.
Cueillez-moi ce pavot sauvage
Qui croît à l'ombre de ces blés :
On dit qu'il en coule un breuvage
Qui ferme les yeux accablés.
J'ai trop veillé ; mon âme est lasse
De ces rêves qu'un rêve chasse.
Que me veux-tu, printemps vermeil ?
Loin de moi ces lis et ces roses !
Que faut-il aux paupières closes ?
La fleur qui garde le sommeil !
Comme un diable au fond de sa boîte,
le bourgeon s’est tenu caché…
mais dans sa prison trop étroite
il baille et voudrait respirer.
Il entend des chants, des bruits d’ailes,
il a soif de grand jour et d’air…
il voudrait savoir les nouvelles,
il fait craquer son corset vert.
Puis, d’un geste brusque, il déchire
son habit étroit et trop court
“enfin, se dit-il, je respire,
je vis, je suis libre… bonjour !”
Le temps a dissipé la blonde silhouette
de les châteaux de sable aux créneaux sans danger.
De ces châteaux d'enfant j'étais la girouette
Quand je ne savais pas que le temps peut changer.
Mais s'il peut te changer, me changer et me prendre
Ma jeunesse d'hier et notre heure aujourd'hui,
Il n'empêchera pas les saisons de nous rendre,
L'iris et l'anémone et le millepertuis.
La jonquille au printemps, l'automne en chrysanthème,
La rose de toujours, la tubéreuse blême,
La sauge en plein été, l'ellébore en hiver,
l'étoile clématite en la nuit qui se sauve,
La glycine de mai dont les larmes sont mauves
Et ce qui se défeuille et ce qui reste vert.
Oh, je voudrais tant que tu te souviennes,
Des jours heureux quand nous étions amis,
Dans ce temps là, la vie était plus belle,
Et le soleil plus brûlant qu'aujourd'hui.
Les feuilles mortes se ramassent à la pelle,
Tu vois je n'ai pas oublié.
Les feuilles mortes se ramassent à la pelle,
Les souvenirs et les regrets aussi,
Et le vent du nord les emporte,
Dans la nuit froide de l'oubli.
Tu vois, je n'ai pas oublié,
La chanson que tu me chantais...
C'est une chanson, qui nous ressemble,
Toi qui m'aimais, moi qui t'aimais.
Nous vivions, tous les deux ensemble,
Toi qui m'aimais, moi qui t'aimais.
Et la vie sépare ceux qui s'aiment,
Tout doucement, sans faire de bruit.
Et la mer efface sur le sable,
Les pas des amants désunis.
Nous vivions, tous les deux ensemble,
Toi qui m'aimais, moi qui t'aimais.
Et la vie sépare ceux qui s'aiment,
Tout doucement, sans faire de bruit.
Et la mer efface sur le sable,
Les pas des amants désunis...
Les feuilles mortes se ramassent à la pelle,
Les souvenirs et les regrets aussi
Mais mon amour silencieux et fidèle
Sourit toujours et remercie la vie
Je t'aimais tant, tu étais si jolie,
Comment veux-tu que je t'oublie ?
En ce temps-là, la vie était plus belle
Et le soleil plus brûlant qu'aujourd'hui
Tu étais ma plus douce amie
Mais je n'ai que faire des regrets
Et la chanson que tu chantais
Toujours, toujours je l'entendrai !
Toutes les fleurs, certes, je les adore !
Les pâles lys aux saluts langoureux,
Les lys fluets dont le satin se dore,
Dans leurs calices d'ors poudreux !
Et les bleuets bleus,
dont l'azur décore
Les blés onduleux,
Et les liserons qu'entrouvre l'aurore
De ses doigts frileux.
Mais surtout, surtout je suis amoureux
Cependant que de folles gloses
S'emplissent les jardins heureux,
Des lilas lilas
Et des roses roses !
Toutes les fleurs, certes, je les adore !
Les cyclamens aux fragiles bouquets,
Les mimosas dont le buisson se dore,
Et les chers jasmins si coquets,
Et les doux genêts
Dont la brise odore,
Et les fins muguets,
Les muguets d'argent,
Si frais quand l'aurore
Mouille les bosquets.
Mais surtout, surtout je suis amoureux
Cependant que de folles gloses
S'emplissent les jardins heureux,
Des lilas lilas
Et des roses roses !
Toutes les fleurs, certes, je les adore !
Toutes les fleurs dont fleurit ta beauté,
Les clairs soucis dont la lumière dore
Tes cheveux aux blondeurs de thé,
L'iris velouté
Qui te prête encore
Sa gracilité,
Et l'œillet qui met ta joue et l'aurore
En rivalité !
Mais surtout, surtout je suis amoureux
Dans tes chères lèvres décloses
Et dans les cernes de tes yeux,
Des lilas lilas
Et des roses roses !
Le pré est vénéneux mais joli en automne
Les vaches y paissant
Lentement s'empoisonnent
Les colchiques couleur de cerne et de lilas
Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-là
Violâtres comme leur cerne et comme cet automne
Et ma vie pour tes yeux lentement s'empoisonne
Les enfants de l'école viennent avec fracas
Vêtus de hoquetons et jouant de l'harmonica
Ils cueillent les colchiques qui sont comme des mères
Filles de leurs filles et sont couleur de tes paupières
Qui battent comme les fleurs battent au vent dément
Le gardien du troupeau chante tout doucement
Tandis que lentes et meuglant les vaches abandonnent
Pour toujours ce grand pré mal fleuri par l'automne.
On admire les fleurs de serre
Qui loin de leur soleil natal,
Comme des joyaux mis sous verre,
Brillent sous un ciel de cristal.
Sans que les brises les effleurent
De leurs baisers mystérieux,
Elles naissent, vivent et meurent
Devant le regard curieux.
A l'abri de murs diaphanes,
De leur sein ouvrant le trésor,
Comme de belles courtisanes,
Elles se vendent à prix d'or.
La porcelaine de la Chine
Les reçoit par groupes coquets,
Ou quelque main gantée et fine
Au bal les balance en bouquets.
Mais souvent parmi l'herbe verte,
Fuyant les yeux, fuyant les doigts,
De silence et d'ombre couverte,
Une fleur vit au fond des bois.
Un papillon blanc qui voltige,
Un coup d'oeil au hasard jeté,
Vous fait surprendre sur sa tige
La fleur dans sa simplicité.
Belle de sa parure agreste
S'épanouissant au ciel bleu,
Et versant son parfum modeste
Pour la solitude et pour Dieu.
Sans toucher à son pur calice
Qu'agite un frisson de pudeur,
Vous respirez avec délice
Son âme dans sa fraîche odeur.
Et tulipes au port superbe,
Camélias si chers payés,
Pour la petite fleur sous l'herbe
En un instant, sont oubliés !
Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avoit desclose
Sa robe de pourpre au Soleil,
A point perdu ceste vesprée
Les plis de sa robe pourprée
Et son teint au vostre pareil.
Las ! Voyez comme un peu d'espace
Mignonne, elle a dessus la place
Las ! las ses beautez laissé cheoir !
Ô vrayment marastre Nature,
Puis qu’une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir !
Donc, si vous me croyez, mignonne,
Tandis que vostre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez vostre jeunesse :
Comme à ceste fleur la vieillesse
Fera ternir vostre beauté.